Le tartigrade, l'animal le plus résistant de l'univers

Cédric
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Les capacités du Tardigrade

On peut observer chez le tardigrade une capacité assez exceptionnelle : celle de rentrer en cryptobiose, un état d’assèchement, mais également de revenir, après cryptobiose, à son état normal. De nos jours cette capacité à « revenir à la vie » après avoir subi une déshydratation puis une réhydratation a été découverte chez les nématodes, les rotifères, les tardigrades et beaucoup de végétaux comme les graines et les mousses. 

Le Tartigrade, l'animal le plus fort du monde
Le Tartigrade, l'animal le plus fort du monde


On peut alors se demander :

  • Comment le tardigrade résiste-t-il au stress environnemental ?
  • D’où lui vient cette capacité ?
  • Comment fonctionne la reviviscence ?
  • Quelles sont les facteurs qui lui permettent de se déclencher ?



La Cryptobiose


1/ Chez différentes espèces ainsi que les bactéries


Selon les espèces, la cryptobiose apporte des changements plus ou moins importants sur la structure de l’organisme et également un ralentissement du métabolisme. Il existe plusieurs manières de passer en cryptobiose :
          – l’endospore est une structure bactérienne très résistante qui se forme à l’intérieur du cytoplasme de certaines bactéries lorsqu’elles subissent des conditions défavorables et peut leur faire supporter la chaleur, le dessèchement, les antiseptiques, les antibiotiques… pendant des millénaires. Elle est composée d’un tissu de protection qui est responsable de la résistance aux produits chimiques.
               – l’enkystement est un stade de survie des protozoaires. Ce procédé commence par la perte des organites (exemple : flagelles) qui fonctionnent lors de la vie active. Il s’en suit de la déshydratation, puis les protozoaires s’entourent provisoirement d’une enveloppe épaisse et résistante pour attendre de meilleures conditions. Cette enveloppe peut être un mucus séché et fabriquée à partir de matériaux environnants. Les protozoaires ne peuvent habituellement pas vivre dans un milieu sec mais grâce à l’enkystement ils peuvent survivre durant plusieurs années. Lorsque les conditions redeviennent favorables ils se dés-enkystent et retournent à leur vie active. Si leur vie est de nouveau en péril ils peuvent se ré-enkyster.

2/ Chez les tardigrades


Le tardigrade est un être vivant capable de résister à des conditions ou la vie n’est normalement pas possible. Lorsque son organisme subit ces conditions, les fonctions vitales sont presque arrêtées et il passe dans un état de cryptobiose, ou anhydrobiose (vie cachée).

C’est un état dans lequel il devient extrêmement résistant et peut vivre plusieurs centenaires, alors que dans son état normal il vit environ 60 ans. L’entrée en cryptobiose va à la même vitesse que les changements de conditions du milieu car elle est liée à un besoin physiologique. Si un tardigrade subit une forte déshydratation, sa teneur en eau passe de 80 % à 2 % et son corps se replie et forme une demi-sphère inerte. Pour que le tardigrade préserve son intégralité cellulaire, un alcool (le glycérol) naturellement dans l’organisme, ainsi que la molécule de tréhalose, voient leur concentration cellulaire augmentée. 

Lorsque les conditions de vie redeviennent convenables, il se réhydrate et reprend une vie normale au bout des quelques heures : c’est la reviviscence. La majorité des tardigrades marins n’ont pas cette capacité mais ils peuvent résister à la sécheresse durant de courtes périodes en s’entourant provisoirement d’une enveloppe protectrice épaisse et résistante comme un mucus séché ou une enveloppe externe construite avec des matériaux qui se trouve dans les environs : c’est l’enkystement.

Tableau de comparaison des capacités du tardigrade en cryptobiose et de celles de l’homme

La Reviviscence

Dès 1704 des naturalistes se sont intéressés à l’usage de ce terme et très tôt ils ont étudiés des mousses qui étaient considérées comme mortes lorsqu’elles étaient desséchées mais qui, pourtant, se développaient à nouveau. Au XIXème les biologistes se demandaient encore quelle était l’état (vivantes ou non) des graines produites par les plantes. Ce terme désigne donc le processus qui arrive à un être vivant, animal ou végétal, à retrouver un mode de vie normal après une période de vie ralentie.

Les Rayons X

Les rayons ionisants (IR) sont capables se séparer les électrons des atomes qui composent les molécules. Ils créent donc des lésions moléculaires qui vont causer des anomalies au niveau cellulaire qui vont entraîner des problèmes de santé. Les rayons X sont des rayons ionisants.

 1/ Les conséquences à l’échelle moléculaire


Toutes les molécules de l’organisme peuvent subir les effets des IR mais une molécule en particulier est importante, la molécule d’ADN.

Elle est le support de l’information génétique et lorsqu’elle est condensée, est sous forme de chromosomes. Les rayons X peuvent provoquer deux sortes de lésions de l’ADN :
·         Les plus importantes sont les cassures du double brin.
·         Celles qui sont le plus souvent causées par radiographie sont les cassures d’un seul brin. Dans ce cas les lésions peuvent être réparées. Si elles ne le sont pas il se peut qu’une mutation survienne (changement stable du génome transmissible entre les cellules).

2/ Les conséquences à l’échelle cellulaire


Les erreurs dans la chaîne de nucléotides de l’ADN sont à l’origine des mutations ou des morts des cellules. A la suite de ces erreurs il y a trois avenirs possibles pour la cellule irradiée dont l’ADN a subit des lésions :
  • L’ADN est réparé et le cycle cellulaire continue normalement. Les cellules sont équipées de systèmes enzymatiques capables de repérer des anomalies de l’ADN et de les corriger. L’erreur est détectée et signalée par une enzyme qui parcourt l’ADN, puis une autre enzyme coupe une courte partie du brin d’ADN comportant l’erreur. L’ADN polymérase remplace alors les nucléotides manquants par complémentarité avec le second brin.
  • Mort cellulaire car l’ADN a été trop endommagé. Une protéine peut agir de deux façons sur la cellule. Quand la réparation de la cellule est possible elle stop le cycle cellulaire pour la laisser se réparer. Quand les dégâts sont trop conséquents elle déclenche l’apoptose (le « suicide ») de la cellule.
  • La cellule ne meurt pas mais comporte une mutation. Elle peut alors être à l’origine d’un clone cellulaire mutant qui sera soit germinal (mutation héréditaire) soit somatique et donc peut être la base de la transformation d’une cellule normale en une cellule cancéreuse. Si cette cellule se répand de manière incontrôlée elle peut entraîner un cancer.


3/ Les conséquences sur la santé


Lorsque la dose de rayons X est trop importante, les dommages causés sur les cellules (mort cellulaire) ne peuvent être réparés. Ceci entraîne des conséquences sur la santé. La dose maximale d’irradiation est différente selon le type d’irradiation : aiguë (forte dose sur une courte durée), chronique (faible dose sur une longue durée). Plus les cellules se renouvellent rapidement (divisions cellulaires nombreuses) plus cette dose est faible (elles sont plus sensibles).

Ces conséquences sur la santé constatées chez tous les individus qui ont reçus une dose supérieure à cette dose limite. Elles augmentent avec la dose et peuvent être inversées lorsque l’individu ne reçoit plus de rayons ionisants.

Tableau détaillant les conséquences des rayons X sur les différentes parties du corps et en fonction de la dose d’irradiation


Le génome du tardigrade


Le 20 septembre a été publié le rapport de recherche d’un groupe de généticiens japonais menés par Takekazu Kunieda. Ils ont mené une expérience en transmettant à une culture de cellules humaines le gène de tardigrade responsable de son extrême tolérance à la radioactivité.

La protéine Dsup

Précédemment, un groupe chercheurs de Caroline du Nord avaient trouvé que 17,5 % du génome d’un tardigrade de l‘espèce Hypsibius dujardini provenaient d’espèces étrangères, ces gènes ayant été « gagnés » par transfert horizontal de gènes au moment de la reviviscence du tardigrade après cryptobiose. Ils avaient alors avancé l’hypothèse que ce serait cette grande quantité de « gènes supplémentaires » qui donnerait au tardigrade sa grande tolérance aux stress environnementaux. Quelques temps après, un autre groupe de chercheurs a avancé l’hypothèse que ce chiffre (17,5%) aurait été faussé par la présence de micro-organismes lors de l’expérience et que le taux de gènes étrangers dans le génome du tardigrade serait plutôt de 1,2% (ce qui est déjà conséquent).

Donc, même si ces micro-organismes pourraient être identifiés par métagénomique, l’expérience du groupe Kunieda nécessiterait un génome le plus exempt possible de contaminations extérieures.

Le tardigrade H. dujardini est cependant loin d’être le plus résistant aux stress. Ainsi, celui sélectionné pour cette expérience est le R.varieornatus. Il possède une tolérance bien plus élevée aux stress, notamment à un état de très faible humidité, et une forte résistance aux radiations.

Les chercheurs ont isolé une séquence de génome de bonne qualité (sans contamination) et se sont concentrés sur l’effet des radiations. Ils ont d’abord fait une série de test, sur de l’ADN humain (10grey, suffisamment pour tuer un homme) puis sur de l’ADN de tardigrade. Leurs constatations ont été les suivantes : les chaînes d’ADN humaines comportaient, après irradiations, de nombreuses brisures (quasiment uniquement des coupures simple brin) alors que celles du tardigrade étaient intactes ou presque. Ils en ont déduit que le tardigrade devait posséder une caractéristique propre à son espèce capable de protéger et/ou réparer son ADN lorsqu’il est soumis à des radiations. En menant d’autres expériences plus précises (quelles parties de l’ADN réagissent en fonction du stress), ils ont trouvé un gène codant pour une protéine ayant sur l’ADN les effets recherchés : Dsup.

Les chercheurs ont donc effectué une transgénèse en transférant le gène correspondant à la protéine Dsup dans l’ADN de cellules humaines. Puis ils ont renouvelé leur expérience d’exposition aux radiations sur ces cellules.

Parmi les cellules humaines irradiées dans lesquelles les chercheurs avaient transplanté le gène Dsup, seules 40 % ont résisté aux radiations, ce qui n’est pas mal pour autant. Cette protéine pourrait donc, après des études sûrement plus poussées, protéger notre ADN des radiations.

Le fonctionnement des liaisons peptidiques


En résumé, les chaînes polypeptidiques (ou protéines à partir de 100 acides aminés) sont créées par assemblage d’acides aminés par un ribosome. Cet organite traduit l’information génétique contenue dans l’ARNm (Acide RiboNucléique messager – molécule faite de nucléotides et directement synthétisée à partir de l’ADN lors du phénomène de transcription).

Nous nous intéresserons ici plus particulièrement à la traduction de l’ARNm par le ribosome, en observant ce qu’il se passe d’un point de vue chimique : la création des liaisons peptidiques.

Fonctionnement et mise en place d’une liaison peptidique


Par conséquent, pour deux acides aminés, existent deux liaisons peptidiques possibles. Il y aurait donc presque une infinité de possibilités lors de la création d’une protéine. Or, nous savons que, à un ARNm donné, correspond une protéine : c’est donc grâce au ribosome que les acides aminés s’assemblent dans l’ordre voulu et créent une protéine particulière. L’eau créée par la réaction chimique se retrouve dans la composition du cytoplasme

Voici ci-dessous la séquence de la protéine Dsup :



Illustration de la construction de liaisons peptidiques à partir d’un court fragment (en gras) de la protéine Dsup.

CONCLUSION


Le tardigrade est une espèce qui peut laisser rêver, capable d’entrer dans un état d’assèchement et de résister à des stress dans des mesures incroyables grâce à un génome étonnant en partie constitué de gènes d’espèces étrangères. Les scientifiques ont même prouvé que certains de ses gènes pouvaient être transmis à l’humain.

On pourrait alors imaginer un être humain capable de résister aux rayons X et par extension, grâce aux autres gènes du tardigrade, de se régénérer, de pouvoir survivre durant des centaines d’années… Mais cela soulève encore un problème évident d’éthique, comme à chaque fois lorsqu’il s’agit de manipulation génétique, car le fait d’étudier la vie ralentie et le retour à la vie active est une approche des limites du vivants.

Ainsi, devrait-on autoriser la manipulation génétique pour sauver des vies ? Et pour améliorer notre résistance ? Mais ne serait-ce pas repousser trop les limites de la nature ? Toutes ces questions d’ordre économique, social et spirituel seraient à se poser.

Lexique pour mieux comprendre cet article

  • Stress physique : un peu différent du stress émotionnel, il s’agit d’un état dû à la réaction de l’organisme à une agression brusque provenant de l’environnement. Cette agression est provoquée par des éléments comme les radiations, le changement de température, une modification de la pression du milieu de vie, etc.
  • Ganglions nerveux : petits renflements sur le tronc nerveux constitués de substance grise assurant un relais entre les fibres nerveuses.
  • Glande : un organe plus ou moins grand ayant pour rôle de fabriquer diverses substances utiles à l’organisme. Le foie, par exemple, est une glande très importante dans la digestion. Il sécrète notamment la bile, un liquide aidant à absorber les graisses alimentaires. Les glandes salivaires quant à elles déversent la salive dans la bouche. Pour donner un dernier exemple, les glandes sudoripares, présentes un peu partout dans la peau, excrètent la sueur. Ce phénomène permet d’abaisser la température corporelle.
  • Arthropodes : (du grec « arthro » : articulation et « podos » : pied), famille contenant les insectes, les araignées, les scorpions, les scolopendres, etc
  • Panarthropodes : animaux invertébrés formés de métamères (segments) et d’une cuticule (squelette externe) ; cette famille représente plus de 80 % des espèces animales actuelles connues. On connaît plus de 1000 espèce de tardigrades, terrestres et aquatiques (eau douce et océan) et sous tous les climats.
  • Cloaque : mue
  • Glycérol : alcool naturellement présent dans l’organisme du tardigrade, source d’énergie et participant à l’élaboration des corps gras, il favorise l’élimination des selles.
  • Tréhalose : molécule n’est pas produite chez les mammifères et qui est synthétisée lorsque les selles sont exposées à un environnement de stress (comme le froid, l’oxydation, la chaleur, la dessiccation …).
  • Métagénomique : méthode d’étude permettant d’identifier un être vivant à partir d’un échantillon d’ADN. Cela fonctionne sur une base de données (encore en construction) contenant l’ensemble des gènes de tous les êtres vivants.
  • Protéine : macromolécule formée d’un enchaînement d’acides aminés.
  • Transgenèse : technique consistant à introduire dans le génome d’un organisme un gène étranger, permettant ainsi aux cellules de cet organisme d’exprimer ce gène (ex : implantation de la protéine Dsup dans le génome de cellules humaines en cultures).
  • Organite : éléments présents dans les cellules qui ont une fonction bien précise (exemple : ribosome, la traduction).


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